15
Malibu, Californie
Pendant que l’eau brûlante de la douche lui éclaboussait le dos, Sibby Dark songeait au texto qu’elle avait reçu ce matin-là.
Cela faisait un moment qu’elle n’en avait pas reçu. Quelques semaines ? Elle avait cessé d’y penser, espérant que c’était terminé.
Mais, quelques minutes après que Steve se fut levé pour aller boire sa bière sur la plage en guise de petit déjeuner, le riff de Personal Jesus, la chanson de Depeche Mode qui servait de sonnerie dédiée sur son portable, avait retenti. Cela avait suffi à lui faire battre le cœur à toute allure, alors qu’elle était à peine réveillée. Elle avait pris l’appareil sur la table de chevet et avait lu le SMS.
bientôt le seigneur sera avec toi
Classique.
Elle ignorait pourquoi, mais celui qui la harcelait de messages avait un penchant pour les citations bibliques. C’est pourquoi elle lui avait attribué la chanson de Depeche Mode : ce harceleur était bien son « petit Jésus personnel » qui essayait de la faire flipper. Le père de Sibby lui avait enseigné que la meilleure manière de gérer les illuminés était de les ignorer ou d’en rire. Comme ils attendent une réaction ou cherchent à être reconnus, le silence ou la moquerie leur coupent la chique.
Mais tout de même, ces textos étaient agaçants.
Le premier était arrivé… huit mois plus tôt ? Au début, elle avait répondu faux numéro. Mais son petit Jésus personnel ne s’en était pas laissé conter et lui envoyait tantôt jusqu’à une dizaine de messages par jour, tantôt un ou deux.
je viens à toi, tel l’ange
sens-tu ma vie, mère bénie ?
Elle avait également essayé de refuser tout appel provenant d’un numéro masqué. Mais, un instant plus tard, il recommençait à partir d’un autre numéro. Elle avait fini par renoncer et décidé de les effacer sitôt reçus.
Ils arrivaient toujours quand Steve n’était pas là, comme si son petit Jésus personnel savait quand elle était seule. Oui, ça, c’était carrément troublant.
Mais elle refusait de laisser la peur l’envahir. Et il était hors de question qu’elle ennuie Steve avec ces âneries. Son mari était un ex-flic : il ne s’arrêterait que quand il aurait retrouvé ce malade et l’aurait menacé de lui casser les doigts un à un pour lui faire passer l’envie de taper des SMS. Et elle savait ce qu’il lui en coûterait de laisser Steve se lancer dans ce genre d’aventure. Il risquait de ne jamais en revenir.
Il commençait seulement à se remettre. Elle ne voulait surtout pas que son mari sombre à nouveau dans son petit cocon mortifère, surtout après avoir passé tant de temps à l’en extraire.
Sibby coupa l’eau juste au moment où la Yukon de Steve s’arrêtait devant la maison. Elle entendit les chiens aboyer. Il était enfin rentré. Elle se demanda où il avait passé tout ce temps. Il était rare qu’il s’attarde autant sur la plage.